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L'ignorance de nos enfants peut nous être fatale:
La raison pour laquelle il faut avoir des connaissances sur l'Afrique et le reste du monde

(8/05)

Synopsis:

Les américains en savent si peu sur le monde qu'il est difficile d'imaginer qu'un continent est pire qu'un autre. Daniel Patrick Welch explore la profonde ignorance que l'Amérique a sur l'Afrique, à travers le regard des médias. Lorsque sa femme et lui organisèrent la visite d'une personnalité royale à leur école, le manque de culture concernant le Continent Noir devint on ne peut plus clair. Bien que les conflits qui en résultèrent puissent s'avérer drôles, ils laissent présager un Règne de l'Ignorance qui s'étendra sur plusieurs générations à moins que les adultes ne prennent conscience que leurs enfants en savent très peu parce qu'eux-mêmes en connaissent encore moins.

C'est un secret pour personne que les enfants américains obtiennent des notes bien en deçà de leurs homologues étrangers quand il s'agit de géographie, et l'Afrique a toujours été ce qu'ils connaissent le moins bien. Les raisons de cet affligeant manque d'intérêt ou de perspicacité sont nombreuses et variées, vu spécialement la position actuelle des Etats-Unis dans le monde, mais certains problèmes restent faciles à expliquer.

Dans n'importe quelle société, il est très rare que les enfants devancent leurs professeurs, leurs parents, les journalistes, les livres d'histoire et les grands penseurs dans l'exploration et l'acquisition de connaissances sur le reste du monde. Nos enfants vont avoir beaucoup de mal à se frayer un chemin dans ce brouillard de mensonges, d'ignorance, de suffisance, de désintérêt et de racisme. Presse médiocre, presse à sensations, presse imprécise et ignorante, il n'y en a pas une pour sauver l'autre. Mais on sent bien souvent une résistance palpable, une ignorance volontaire, une véhémence délibérée à ne pas trop en savoir sur ce continent, pour l'exploitation duquel nous partageons tous une complicité troublante. 

Depuis la génération de nos parents, il y a une confusion compréhensible, voire même malsaine au sujet du Continent Noir. Il n'y avait pas de " pays " en Afrique, simplement un pêle-mêle de possessions coloniales dont les contours, tel un puzzle, avaient été décidés par les puissances impériales européennes : Afrique de l'Ouest française, le Congo belge. Les frontières scindaient fréquemment des royaumes, des terres et territoires de sociétés existant depuis la nuit des temps, tout cela pour permettre une administration et une exploitation efficaces des immenses ressources naturelles, en laissant de côté la stabilité ou le respect des peuples y vivant. Le fait que ces morcellements créaient des tensions inévitables qui hanteraient le continent pendant des générations n'était pas à l'ordre du jour et la violence qui s'en suivit est la " preuve " qu'on s'obstine à nous servir pour démontrer que ces peuples sont incapables de se gouverner eux-mêmes. 

La culture populaire entretint et approfondit les mythes officiels : les africains ont-ils un jour réussi à exprimer leur culture ? "I'd be just as sassy as Haile Salassie" (je serais tout aussi insolent qu'Hailé Sélassié) était simplement une petite figure de style sans arrière pensée d'une chanson populaire. Bien plus tard, Bob Marley remit un peu d'équilibre dans tout ça en mettant en musique les parties principales du défi de Sélassié à la Société des Nations : "Until the philosophy that holds one race superior and another inferior is finally and permanently discredited and abandoned, everywhere is war." (tant que la philosophie qui considère une race supérieure et une autre inférieure n'est pas finalement discréditée et abandonnée de façon permanente, la guerre est partout.) Est-ce que Marley connaissait la chanson "Shantytown" ? Qui sait ? Cependant, parfois, il arrive que la culture prenne le pas sur l'histoire pour mettre les choses au clair.

A l'époque de l'indépendance, les reportages étaient systématiquement pro-impérialistes... enfin, est-ce qu'ils savaient vraiment ce qu'il se passait ? Jonathan Kwitny, un ancien journaliste du Wall Street Journal se souvient de ce phénomène dans son livre Endless Enemies. Il se rappelle de cette phrase qu'il ne cessait d'entendre dans sa jeunesse " rioting Congolese " (le Congo en émeute) et des images qui suivaient, presque toujours la même chose, des nuées d'africains se sauvant devant les troupes belges.

Ce qui est triste, c'est que peu de choses ont l'air d'avoir changé. Aujourd'hui encore, nous ne connaissons strictement rien de ce monde dans lequel nous jouons un rôle si prépondérant et l'avenir de nos enfants pourrait bien reposer sur notre capacité à mettre un terme à ce cycle. Les enseignants, les écoles, les journalistes et les décisionnaires sont encore bien trop souvent en proie à la façon de penser colonialiste. Certains utilisent même encore le lexique si dépassé de l'impérialisme, que cela en est embarrassant : tribu, clan, dialecte, tous concepts issus de tentatives délibérées et dédaigneuses de délégitimer les peuples conquis. Même le mythe de " l'équilibre " journalistique devrait exiger l'abandon d'une telle négligence, ou de ces clichés qui sont manifestement absurdes. Est-ce que les serbes sont une tribu ? Et les tchèques ? Même Liechtenstein et Monaco font l'objet d'un respect que l'Afrique n'arrive pas à obtenir. Personne ne considère les Windsor comme un " clan ". C'est vrai, quoi ! Même quelques Superbowls gagnés d'affilée suffisent pour évoquer le mot " Dynastie ". Enfin les français, les espagnols, les portugais et les italiens ne parlent pas des " dialectes ", même si leurs langues sont bien plus interdépendantes que les centaines de langues africaines, complexes et variées.

Lors des préparations de la visite récente de notre école par la Reine du Buganda [voir greenhouseschool.org ], nous fûmes choqués d'entendre un journaliste mettre en doute le bien-fondé de cette monarchie, une façon de penser d'homme des cavernes que je croyais désuète depuis la fin du siècle dernier. Personne n'y regarde à deux fois quand on écrit que Lucy était de sexe féminin ou bien qu'autrefois, les dinosaures parcouraient la terre. Pourtant quand il s'agit de l'Afrique, soudainement la datation au carbone 14 ou l'anthropologie médico-légale n'existent plus, l'histoire orale n'est pas vraiment de l'histoire, par contre l'histoire écrite de l'occident est sacro-sainte (comme par exemple, le poème Paul Revere's Ride ou le drapeau de Betsy Ross ?) Même lorsqu'on présente aux journalistes des références exactes, certains préfèrent ignorer les communiqués de presse et s'en remettent aux idées reçues.

Trop souvent, les américains se blottissent dans leur cocon, isolés du reste du monde. Mais seule l'autruche se sent à l'aise, merveilleusement et dangereusement inconsciente de la réalité qu'elle ignore. Ce que nous pensons du passé, ce que nous ressentons, la façon dont nous en parlons et nous l'enseignons nous prépare au présent et à l'avenir. Si nous nous entêtons à commettre les mêmes erreurs, nous privons nos enfants des outils qui leur seront nécessaires pour rejoindre la grande communauté des citoyens du monde.

© 2003 Daniel Patrick Welch. Reproduction et diffusion encouragées.
Traduit par Fabrice Brunon

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Welch vit et écrit à Salem, Massachusetts, USA, avec sa femme, Julia Nambalirwa-Lugudde. Ensemble ils font fonctionner The Greenhouse School Cet article a aussi été diffusé sur KFJC Los Altos Californie. Que les personnes intéressées à diffuser la version audio (enregistrement électronique disponible) veuillent bien contacter l'auteur. Welch parle plusieurs langues et est disponible pour des enregistrements en français, allemand, russe et l'espagnol à condition d'une traduction fiable, ou, sinon, pour des échanges téléphoniques dans la langue-cible. Il a aussi chanté et récité lors d'événements antiguerre et il est disponible (libre) pour un nombre limité d'engagements sous réserve de son agenda. D'autres articles, autocollants pour des manifestations à venir et d'autres "matériaux" sont disponibles sur : danielpwelch.com